Fils d’un acheteur de produits agricoles dans les années 70, Karim Sermé a été, dès son jeune âge, initié au commerce par son père (feu Vamoussa Sermé) sur les traces duquel il s’est réalisé. La Société Coopérative Yawoubé d’Aniassué qu’il dirige depuis 2006 regroupe aujourd’hui pratiquement 6.000 producteurs. Sa vision managériale lui a valu plus d’un laurier et la reconnaissance de l’Etat de Côte d’Ivoire.
Lancée en 2006 sous l’appellation de Cayawa, puis de coopérative de cacao Yawoubé avant de porter son nom actuel, la Société coopérative Yawoubé d’Aniassué, dans le département d’Abengourou, compte aujourd’hui parmi les meilleures en Côte d’Ivoire. En témoigne le Prix national de la meilleure coopérative qu’elle s’est adjugée en une décennie d’exercice, lors des journées nationales du Cacao et du Chocolat organisées par le Conseil café cacao en 2016. Aujourd’hui, 17 ans après sa création, les distinctions se comptent par dizaines, au nombre desquelles, le Prix du meilleur manager de l’économie cacaoyère en 2020, le Prix du meilleur promoteur de la cacaoculture 2020 et l’élévation du président Karim Sermé au rang de Chevalier dans l’ordre du mérite ivoirien. «Quand vous avez tous ces lauriers en récompense du travail que vous faites, vous ne pouvez qu’être heureux. Ces trophées me galvanisent et je suis dans cette continuité», commente Karim Sermé que rencontré le samedi 8 janvier 2022 à Abengourou.
Pourtant, les débuts de la Société coopérative Yawoubé d’Aniassué n’ont pas été aussi faciles pour celui qui a reçu en 1987, à l’âge de 18 ans, de son père la somme de 50 mille FCFA comme fonds pour entreprendre le commerce. «En 2006-2007, au moment où nous commencions, nous avons eu un chargement complet d’une remorque qui a été volé à la casse d’Abidjan. Nous avons perdu tout le tonnage du chargement de ce camion. Tout n’a pas été rose pour nous au début», raconte le PCA avec un brin de tristesse.
Ce vol a constitué un coup dur et un moment difficile pour cette coopérative naissante. Mais plutôt que de se morfondre, Karim Sermé a su trouver les ressources pour surmonter cette parenthèse et rebondir entre 2008 et 2009. «Nous sommes progressivement passés de 252 membres à 1500, puis à 2000, à 2500 et aujourd’hui nous sommes pratiquement à 6.000», explique-t-il, sourire aux lèvres. Une communauté de producteurs qui réalise depuis 2016 plus de 11.000 tonnes de cacao par an. Du cacao certifié, entre autres, Fairtraide, Cocoa Horizons, et Raine Forest. Preuve s’il en est du respect de la coopérative Yawoubé des normes environnementales, culturales et sociales.
Évoquant les avantages de la certification, le natif d’Aniassué sera on ne peut plus clair : «Je dirai que la certification donne droit à des primes. Cela vient comme une bouffée d’oxygène pour nos producteurs puisque ces primes compensent le manque à gagner. C’est une valeur ajoutée, une sorte de fonds de soudure. Beaucoup s’en servent pour entretenir leurs plantations quand d’autres l’utilisent pour la rentrée scolaire».
Karim Sermé au siège de sa coopérative
Au plan social, la Société coopérative Yawoubé, revendique plusieurs actions dans la ville d’Aniassué. L’on note, entre autres, la transformation du collège en lycée, la réhabilitation de l’Epp Nana Boua Kouassi III, la construction et l’équipement d’une clinique pour les producteurs, la construction de 14 forages à motricité, le reprofilage de 14 km de voirie, et la construction d’un préau ainsi que la réhabilitation de la gendarmerie. Des actions qui ne tiennent pas compte de la distribution quasi annuelle des kits scolaires aux élèves. Selon les chiffres comptables que nous avons pu consulter, toutes ses réalisations ont coûté à la coopérative plus de 300 millions FCFA.
Avant de connaitre le succès, il n’y a pas eu que le vol du chargement de cacao de la remorque que Sermé ait connu comme déboires. En 2014, il a été victime d’un braquage suivi d’une séquestration d’Aniassué à Adzopé. Il perd plusieurs millions FCFA mais il a la vie sauve. «Quand on sort vivant de ce qui m’est arrivé en 2014, on ne peut que rendre grâce à Dieu», soupire-t-il. Et comme, il n’y a pas meilleur lieu pour un bon musulman de glorifier Allah, il effectue son premier pèlerinage à la Mecque en 2018, puis éprouve le besoin de rééditer ce 5é pilier de l’Islam en 2019. «Je suis doublement El hadj parce que j’ai fait le pèlerinage en 2018 et en 2019. Je voulais faire trois fois ballon d’or, mais la Covid-19 ne l’a pas permis», ironise-t-il. Tout en se réjouissant d’avoir rencontré lors de ses pèlerinages des collègues avec qui il milite aujourd’hui au sein de l’ASPCACC.
Aux jeunes coopératives qui rêvent de grandir, Sermé conseille le sérieux et le respect des engagements. «Je voudrais dire aux jeunes coopératives que pour grandir, il leur faut respecter les engagements qu’ils prennent avec les producteurs. C’est très important. Ils doivent ensuite mener beaucoup d’actions sociales, cela motive les producteurs. Nous avons un slogan qui dit « être toujours auprès et à l’écoute de ses producteurs». C’est vrai, qu’il est difficile de régler tous les problèmes des producteurs, mais faites l’effort de régler le maximum», conseille-t-il.
Karim Sermé place beaucoup d’espoir dans la création de l’Association des présidents des Conseils d’administration de Café cacao (ASPCACC) dont il est l’un des membres fondateurs et vice-président. Il explique les raisons : «Il est de notoriété publique qu’une brindille est facile à casser. Mais plusieurs brindilles forment un balai, et je ne pense pas qu’on peut casser un balai d’un coup. Ça va nécessiter beaucoup d’efforts. Aujourd’hui, quand tu passes quelque part et que tu parles de l’ASPCACC, ton interlocuteur change sa façon de s’asseoir parce qu’il devient plus attentif à ce que tu vas dire. Je ne vous apprends rien en disant que l’union fait la force».
Le président du Conseil d’Administration de la société coopérative Yawoubé d’Aniassué rappelle, fort à propos, que le président Alassane Ouattara a, dans son discours de nouvel an, déclaré que 2022 sera l’année de la transformation du cacao. «Est-ce qu’une seule coopérative aujourd’hui peut avoir les moyens de mettre en place une usine de transformation? La réponse c’est non. Mais avec ses 500 coopératives, l’ASPCACC peut créer 10 unités de transformation en Côte d’Ivoire. Si vous me voyez me débattre auprès du président Moussa Sawadogo pour qu’on puisse avancer, c’est bien parce que les producteurs ont beaucoup à gagner dans cette affaire», se réjouit -il.
Généreux et affable, à 53 ans, Karim pour qui la religion musulmane passe avant toute chose, est un époux et un père de famille attentionné.
Sercom ASPCACC